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Botazoom, Botanique et Iconographie

Botazoom, Botanique et Iconographie

Ce blog est destiné aux curieux de botanique. En s’appuyant sur les photos que j’ai pu faire en voyage, et sur de l’iconographie ancienne, il rentre un peu dans les détails qui m’ont permis d’identifier une espèce, mais son contenu doit être considéré comme celui d’une botaniste amateur !

Résultat pour “bananes ancestrales

Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #Botanique, #iconographie, #Botanistes

Une très longue évolution commencée en Malaisie et Indonésie il y a plus de 2500 ans, a mené progressivement vers les bananiers cultivés actuels. Ceux-ci devaient privilégier des caractères utiles pour l’homme, ils sont devenus producteurs de fruits stériles et parthénocarpiques (sans graines). On les multiplie végétativement et les variétés sont des clones ; la belle popotte de fleurs mâles qui termine l’inflorescence est coupée sans regret pour privilégier la croissance de la partie femelle au-dessus : le régime.

 

Dans cet article ne figureront que des auteurs réellement présents sur le continent asiatique car il existe aussi beaucoup de représentations européennes très anciennes se référant à des images antérieures mais pas à de l’observation personnelle de l’auteur.

Dans la Flora Sinensis  du missionnaire jésuite polonais Michael Boym, publiée à Vienne en 1656, on trouve une des premières illustrations de Bananier, dessinée par l’auteur qui a vécu une dizaine d’années en Chine. Vous pouvez, sur Plantuse, consulter une traduction du texte associé à ce bananier nommé Pa-Cyao, ou Figues des Indes et de la Chine.

https://uses.plantnet-project.org/fr/Flora_Sinensis,_1696

Le Bananier figure sur trois planches du 17ème siècle de l’ Hortus indicus Malabaricus. Ce recueil de plantes  est rédigé par Hendrik Adriaan van Rheede tot Drakenstein, engagé à l’origine par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Rheede devient ensuite gouverneur sur la côte de Malabar ; son Hortus indicus Malabaricus a été utilisée par Linné comme une référence pour les plantes du Sud de l’Inde.​​​​​​​

Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein
Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein

Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein

Dans l’Hortus indicus Malabaricus, tome 1, planches 12, 13 et 14 (1678-79), le nom usuel de la Banane, est accompagné des équivalences en arabe, en malayalam et en brahmane, comme pour chacune des 740 planches, car Rheede a su bien s’entourer et utiliser les savoirs ancestraux de la région pour enrichir son répertoire. Sur les trois planches figure le nom de Bàla un nom latin alors choisi par Rheede, l’équivalent moderne est Musa x paradisiaca, nom général qui regroupe les bananes dessert et les bananes à cuire (plantain).

Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein

Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein

Un texte de Diderot tiré du tome 4 de L’Encyclopédie (1777, p. 329) détaille en quelques pages, 29  ‘espèces’ de Bananier en citant des noms locaux. Il s’insurge en page 320 de la décision de Karl Linné de toutes les réduire  à deux espèces (paradisiaca et sapientum). La notion de variétés d’une même espèce n’avait pas encore assez de poids !

Au sujet du Bala, Diderot nous dit: « Le bala est le bananier le plus commun au Malabar et au Sénégal. Van-Rheede en a donné une figure assez complète sous ce nom Malabare, dans son Hortus Malabaricus, vol.1 p.17, pl.12, 13 et 14. Les Brames l’appellent Kely. Pline l’a indiqué sous le nom de pala, dans son Histoire naturelle, liv.12, chap.6, où on appelle son fruit ariena. C’est l’iminga ou l’ininga de Soffala, le figo d’orta, c’est-à-dire, figuier des jardins des Portugais. »

Je suis partie ensuite d’une planche en couleur d’un ouvrage de William Roxburgh, un médecin écossais devenu directeur du jardin botanique de Calcutta et qui a établi le premier catalogue de la flore indienne (Hortus bengalensis en 1814). Dans « Plants of the coast of Coromandel » (Vol. III) paru en 1819, William Roxburgh a légendé la banane Musa sapientum ; en fait les deux noms (paradisiaca et sapientum) sont donnés conjointement par Linné en 1759 dans son Systema Naturae, éd. 10 (ci-dessous).

Roxburgh écrit ceci :

« Les variétés de bananes cultivées en Inde sont très nombreuses, mais celles de plantains le sont moins, car je n'en ai connu jusqu'à présent que trois, alors que je peux dire sans me tromper que pas moins de dix fois plus de variétés de bananes sont passées sous mon contrôle. 

Leur durée, leur culture, leur habitude et leur caractère naturel sont déjà bien connus. Je me limiterai donc à ce que je pense être le musa sauvage originel, dont découlent, je pense, toutes les variétés cultivées (plantain et banane). En deux ans, à partir de la graine reçue de Chittagong, ils ont atteint la hauteur habituelle des espèces cultivées, qui est de dix ou douze pieds. Ils fleurissent en toute saison, mais généralement pendant les pluies, et mûrissent leur graine cinq ou six mois après, lorsque la plante périt jusqu'à la racine, qui bien avant ce temps a produit d'autres pousses ; celles-ci continuent à grandir, fleurir, etc, en succession pendant plusieurs années. Leurs feuilles sont exactement comme celles des espèces cultivées. »

Musa sapientum dans "Plants of the coast of Coromandel" de William Roxburgh.

Musa sapientum dans "Plants of the coast of Coromandel" de William Roxburgh.

On y retrouve aussi le nom de Bala cité dans ses synonymes avec la référence  « Rheed Mal… », ce qui permet d’en déduire que, pour William Roxburgh, dans les trois planches de l’Hortus indicus Malabaricus, il s’agit aussi d’une sorte de Musa originel mais en fait à cette époque une quantité de variétés de bananes existaient déjà de par le monde. La théorie de Roxburgh est là assez radicale et le fait est, que maintenant, les deux espèces (Musa paradisiaca et Musa sapientum) sont incluses dans l’hybride Musa × paradisiaca L.  On peut peut-être dire que Roxburgh avait pressenti  quelque-chose sans toutefois avoir en main les recherches récentes qui font de nos bananes des hybrides issus de deux espèces asiatiques distinctes Musa acuminata Colla et Musa balbisiana Colla! (Voir mon article sur les Bananes ancestrales).

La deuxième référence antérieure citée par William Roxburgh pour cette planche de musa sapientum vient de l’ Herbarium Amboinense, de Georg Eberhard Rumpf (1627-1702), publié en 1750 à Amsterdam. Ambon se situe dans l’Archipel des Moluques, Rumphius y passe de nombreuses années au service de la Compagnie Néerlandaise des Indes orientales.

Il s’agit d’une gravure d’un bananier en pied, la Planche 6 du tome 5, dans une légende jointe assez complexe, j’ai pu retenir pour C : le fruit de Piffang Medji. La traduction du malais serait Bananier des tables toujours selon le volume 4 de l’Encyclopédie par Diderot (1777, p. 328) et les hollandais les mangeraient avec du pain et du fromage ! voir le texte de Diderot là. 

 

Musa dans l’ Herbarium Amboinense, de Georg Eberhard Rumpf

Musa dans l’ Herbarium Amboinense, de Georg Eberhard Rumpf

Toujours à propos de Pisang, voici trois belles illustrations peintes d’après nature, provenant du Naturalis Biodiversity Center de Leyden ; ces peintures plus récentes sont nommées par des noms locaux indonésiens qui relèvent de Musa paradisiaca. Je n’ai pas retrouvé davantage de renseignements sur les variétés dont je ne suis même pas sûre de l’orthographe mais les peintures sont belles et au moins pour la première nous avons le nom du peintre : A. Bernecker.

variétés de Musa x paradisiaca (Naturalis Biodiversity Center de Leyden)
variétés de Musa x paradisiaca (Naturalis Biodiversity Center de Leyden)
variétés de Musa x paradisiaca (Naturalis Biodiversity Center de Leyden)

variétés de Musa x paradisiaca (Naturalis Biodiversity Center de Leyden)

Une autre artiste botanique néerlandaise établie à Batavia (Jakarta), Berthe Hoola Van Nooten (1817-1892) peint Musa paradisiaca L. (Pisang maas) parmi une série de Fruits de Java ; on peut voir les superbes chromolithographies qui en furent tirées là :

 https://bibliodyssey.blogspot.com/2006/07/fruits-of-java.html

 

 

Et à bientôt, j'espère, pour l'histoire américaine des bananes!

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Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #Botanique, #iconographie

Deux espèces d'origine asiatique Musa acuminata Colla et Musa balbisiana Colla, sont reconnues pour être à l’origine de l’hybride Musa × paradisiaca L. sous toutes ses formes (la dénomination Musa × sapientum L. est un synonyme). Cet hybride mérite bien que je lui consacre plusieurs articles, tant il a été représenté dans l’iconographie. Il possède ainsi en matière d’images, une histoire asiatique et une histoire américaine ; mais mon premier sujet, « Bananes ancestrales » vise déjà à faire connaître les deux espèces originelles qui en sont vraisemblablement les parents.

Linné distinguait deux espèces Musa paradisiaca et Musa sapientum, qui sont maintenant incluses dans cet hybride Musa × paradisiaca L. Cette distinction semblait alors très valide car Musa paradisiaca, était le nom du Plantain, féculent, à cuire en légume alors que Musa sapientum correspondait au fruit sucré.

Ci-contre, une fleur de bananier (Musa × paradisiaca L.) d'une variété non identifiée, photographiée sur Basse-Terre, en Guadeloupe.

Les deux ancêtres :

Pour les représentations de l’hybride, il y en a pléthore, mais il est plus délicat de trouver des représentations exactes des parents dans l’iconographie !

Musa acuminata Colla a une large aire de répartition depuis le nord-est de l'Inde à travers l'Asie continentale, le sud de la Chine, les Philippines, et de la Malaisie jusqu'au nord-est de l'Australie.

Musa chinensis Sweet est synonyme de Musa acuminata Colla.

On trouve deux belles représentations sur vélin de Toussaint-François Node-Véran, dans la Collection de l’Université de Montpellier. Les images scannées de cette imposante collection de peintures sont à mon grand regret très réduites en taille, il faudra nous en contenter !

 

Sous ce même nom équivalent de Musa chinensis Sweet, on peut trouver l’espèce dans le Dictionnaire universel d’histoire naturelle, Atlas t.3, pl 12 (1841-1849) de Charles d’Orbigny

https://www.biodiversitylibrary.org/item/274023#page/9/mode/1up

Puis dans l’Herbier général de l’amateur, deuxième Série de 1841, Antoine-Charles Lemaire  la présente avec cette planche (pl.46) dessin de Maubert.

https://bibdigital.rjb.csic.es/records/item/14860-herbier-general-de-l-amateur-deuxieme-serie-tome-deuxieme

 Musa chinensis Sweet= Musa acuminata , dans le Dictionnaire universel d’histoire naturelle de Charles d’Orbigny.

Musa chinensis Sweet= Musa acuminata , dans le Dictionnaire universel d’histoire naturelle de Charles d’Orbigny.

Musa sinensis = Musa acuminata, dans l’Herbier général de l’amateur, dessin de Maubert

Musa sinensis = Musa acuminata, dans l’Herbier général de l’amateur, dessin de Maubert

L’auteur, Antoine-Charles Lemaire, nous délivre quelques éléments sur l’arrivée de ce Bananier de la Chine dans la grande serre chaude du Museum où cultivé en pleine terre, il n’atteint pas deux mètres de haut mais forme des touffes de plusieurs individus d’une silhouette trapue, dotés de feuilles amples et nuancées de pourpre dessus, glauques et pulvérulentes dessous. Il décrit les spathes florales « révolutées en dehors, d’un pourpre violet finement rayé de blanc et d’un brun marron en dedans ».

Musa zebrina Van Houtte ex Planch. dont on peut voir une illustration, qui évoque bien sa vocation surtout décorative, dans la Flore des serres et des jardins de l'Europe de Louis Van Houtte, est considérée actuellement comme un synonyme de Musa acuminata Colla.

Musa zebrina Van Houtte ex Planch. = Musa acuminata Colla, dans la Flore des serres et des jardins de l'Europe de Van Houtte

Musa zebrina Van Houtte ex Planch. = Musa acuminata Colla, dans la Flore des serres et des jardins de l'Europe de Van Houtte

Musa balbisiana Colla se trouve en Inde, Birmanie, Thaïlande, en Indochine, Chine du Sud et Philippines. Ce Bananier plus imposant que le Bananier de Chine (Musa acuminata) s’élève à cinq mètres de haut, son stipe (tronc) est assez épais (20 à 30 cm de diamètre), les longues feuilles sont vert-foncé. Sur cette espèce volontiers plantée pour l’ornement, les belles bractées de la Popote, rouge-vif à l’intérieur, ne se retournent pas en arrière en formant des rouleaux comme chez le Musa acuminata. Les petits fruits sont presque toujours très chargés de graines et très chargés en amidon donc peu consommables tels quels.

 Elle apparaît dans le tableau 253, vol.22 de lHortus sempervirens (1795-1830) de  Johann Simon Kerner, texte à voir  pour ceux qui lisent le latin.

 

Musa balbisiana Colla, dans l’Hortus sempervirens (1795-1830) de  Johann Simon Kerner

Musa balbisiana Colla, dans l’Hortus sempervirens (1795-1830) de  Johann Simon Kerner

Matthias Schmutzer (1752-1824), peint cette inflorescence de Musa balbisiana Colla, alors nommée Musa rosacea Jacq. pour "Das Florilegium Kaiser Franz I", c’est-à-dire un Florilège du Jardin de François 1er (Empereur d’Autriche), sous l’œil attentif de Nikolaus Joseph von Jacquin.

Musa rosacea Jacq.= Musa balbisiana Colla, dans "Das Florilegium Kaiser Franz I", par Matthias Schmutzer

Musa rosacea Jacq.= Musa balbisiana Colla, dans "Das Florilegium Kaiser Franz I", par Matthias Schmutzer

L’intérieur des bractées de cette plante de serre ne montre pas la couleur lumineuse de l’illustration précédente  de l’Hortus sempervirens, qui pourtant est réelle comme on peut le constater sur le site  de Monaco Nature Encyclopedia.

 

https://www.monaconatureencyclopedia.com/musa-balbisiana/?lang=fr

https://www.monaconatureencyclopedia.com/musa-acuminata/?lang=fr

De nos jours ces deux espèces ancestrales sont considérées comme une banque de gènes toujours utile pour continuer d’améliorer Bananes (fruits) et Plantains (légumes à cuire).

Il semble que lorsque chez l’hybride Musa x paradisiaca prédomine le parent Musa acuminata, on s’oriente plutôt vers une banane dessert, alors que si c’est le parent Musa balbisiana qui domine, c’est vers le Plantain qu’on se dirige.​​​​​​​

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Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #Botanique, #Botanistes, #iconographie

Les premières bananes cultivées le furent en Asie, mais dès que les Européens colonisent l’Amérique, ils l’acclimatent en zone tropicale, d’autant plus qu’elles constituent une source précieuse de nourriture pour les esclaves. Ci-dessous une peinture de Marianne North (1830-1890), de Bananiers dans un jardin au Brésil. 

On a vu que Linné distinguait encore dans le Species Plantarum de 1753, deux espèces : Musa paradisiaca et Musa sapientum, qui sont maintenant incluses dans cet hybride Musa × paradisiaca L.

Un extrait de l’Histoire des Plantes de la Guiane françoise, de J.B.C. Fusée-Aublet (1775), reprend cette distinction qui semblait très valide en Amérique du Sud entre Banane ou Plantain (Musa paradisiaca), féculent à cuire en légume et Bacove (Musa sapientum), soit le fruit sucré.

Aublet nous renvoie ainsi vers Charles Plumier dans le Nova plantarum Americanarum generaUn extrait de ce texte de Plumier de 1703 signale déjà les deux variantes (cucumerino longiori et cucumerino breviori). On peut dire qu’Aublet et Plumier sont deux botanistes fondateurs en Amérique du Sud.

Un manuscrit numérisé de la bibliothèque du MNHN montre des dessins originaux plus séduisants que la gravure 34 ci-dessus. Le Père Plumier a dessiné pour la première fois et aquarellé une quantité de plantes américaines dans plusieurs recueils dont « Botanicum americanum, seu historia plantarum in americanis insulis nascentium..., ab anno 1689 usque ad annum 1697 »

On peut les visionner là : https://bibliotheques.mnhn.fr/EXPLOITATION/infodoc/digitalCollections/viewerpopup.aspx?seid=MNHN_MS7

Le Dictionnaire raisonné, universel d’Histoire naturelle, de Valmont-Bomare édité en 1800, en p.63, parle de la figue-banane en ces termes : « Dans la Guiane, il y a deux espèces de bananiers, ou deux variétés qui diffèrent par le fruit. Le fruit de l’une s’appelle pacobe ou bacove et on lui donne le nom de figue-banane. Il est plus court plus gros et plus droit et même moins pâteux, plus fondant et plus délicat que celui de la banane commune et ordinaire qui est plus long. La tige du Bacovier, (Musa fructu cucumerino , breviori Plum.) est en dehors d’un vert jaunâtre taché de noir, celle du Bananier est toute verte ». Je vous rappelle que le Bananier est là compris comme le cucumerino longiori’ soit le légume à cuire…

La planche 478 du t 7 de la Flore médicale des Antilles de Michel Étienne Descourtilz, (dessin de Jean Théodore Descourtilz) montre au bas de la planche (d’après la légende figurant p 118) une patte (on dit aussi une main) de Figues Bananes. Dans son texte abondant sur le sujet on peut relever : « Le Figuier Bananier, Bacovier ; Bananier de Sages, Musa sapientum Linn. ; Musa fructu cucumerino breviori de Plumier, ne diffère du Bananier qu’en ce que les fruits sont plus courts et d’une saveur plus pâteuse. Le corps de la tige est marqueté de taches noires foncées entremêlées de bandes irrégulières de couleur vert-pistache, jaune, lilas et rose ; ses fruits se mangent crus et sont plus estimés que les bananes. »

Flore médicale des Antilles de Michel Étienne Descourtilz, dessins de Jean Théodore Descourtilz
Flore médicale des Antilles de Michel Étienne Descourtilz, dessins de Jean Théodore Descourtilz

Flore médicale des Antilles de Michel Étienne Descourtilz, dessins de Jean Théodore Descourtilz

Etienne Denisse et les bananes en Amérique :

 « Flore d'Amérique, dessinée d'après nature sur les lieux. Riche collection de plantes les plus remarquables, fleurs & fruits de grosseur & de grandeur naturelle, par Etienne Denisse, peintre d’histoire naturelle, lithographe breveté du Roi, dessinateur sur un vaisseau de l’état, membre de plusieurs sociétés savantes ». Publié à Paris, chez Gihaut frères (1843).

Dès l’introduction, Etienne Denisse insiste sur le fait qu’il était sur place et donc que ses représentations sont fidèles à l’allure réelle sous le climat d’origine et non dans une serre ou un jardin d’Europe, puis qu’il a autant que possible respecté la taille réelle.

Un court texte au bas des planches donne quelques renseignements sur les propriétés et les usages traditionnels, alimentaires ou médicinaux et quand c’est possible un nom latin, bien que ce dernier soit la plupart du temps obsolète.

Dans son ouvrage, figurent trois séduisantes lithographies en couleur dont deux reprennent la même distinction que ci-dessus entre bananiers et bananiers-figues ; mais cette fois il donne pour les trois planches le nom latin de Musa paradisiaca.

Pour le Bananier : « Ce fruit excellent sert de nourriture aux habitants d’Amérique ; il remplace parfaitement le pain de froment »

Flore d'Amérique, dessinée d'après nature, d'Etienne Denisse (1843)
Flore d'Amérique, dessinée d'après nature, d'Etienne Denisse (1843)

Flore d'Amérique, dessinée d'après nature, d'Etienne Denisse (1843)

Pour finir cette série d'articles sur les Bananes, et pour le plaisir, je voudrais montrer deux lithographies en couleurs d’un ouvrage dont Jean Théodore Descourtilz est l’auteur pour les planches comme pour le texte, (il est le fils du médecin cité plus haut, Michel Étienne Descourtilz) : "Oiseaux brillans et remarquables du Brésil  placés près des végétaux dont les fruits les nourrissent." Peints sur les lieux (1835).

Oiseaux brillans et remarquables du Brésil, de Jean Théodore Descourtilz
Oiseaux brillans et remarquables du Brésil, de Jean Théodore Descourtilz

Oiseaux brillans et remarquables du Brésil, de Jean Théodore Descourtilz

Bananes, l’histoire américaine

 Et en prime, une Obs récente du Tangara émeraude qui se régale bien de banane! sur le site de Christian pendant son voyage au Costa-Rica à visiter là 

 

 

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Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #Botanique, #iconographie, #Botanistes

Médecin et botaniste allemand, de Nuremberg (1695-1769), Christoph Jakob Trew nait 12 ans avant Carl von Linné. Comme médecin, il participe à la vulgarisation des nouvelles connaissances  médicales du siècle des lumières. Son nom reste surtout associé à un très talentueux illustrateur botanique, Georg Dionysius Ehret, car il fut son mécène et leur association permit la parution de trois ouvrages successifs de botanique.

Les planches de ces recueils sont peut-être les premières à être si bien documentées avec en marge, des coupes sur les différents organes, des éclatés sur les corolles, les calices, montrant en détail la structure florale, le nombre et la position des étamines : la théorie sexuelle des plantes devient à l’époque la base pour classifier les différentes familles.

Cette théorie, largement et fidèlement adoptée pendant une centaine d’année sera bien établie par Carl von Linné, qui ne pouvait qu’apprécier les planches dessinées par Ehret.

Dans son « Species Plantarum », Linné, après le nom de genre figurant en capitales, ajoute quelques traditionnelles phrases descriptives en les associant à l’ouvrage de référence et l’auteur qui les a données. La révolution linnéenne c’est le petit « nom trivial » simple qu’il ajoute dans la marge en italique, bien différent pour chaque espèce (voir plus loin pour la banane). L’association de ses références d’auteur avec le nom trivial qui devient en fait le nom d’espèce, permet maintenant de confirmer l’équivalence des taxons.

Arachis hypogaea, gravure dans le Plantae rariores, (tome 1), puis une aquarelle de Georg Dionysius Ehret
Arachis hypogaea, gravure dans le Plantae rariores, (tome 1), puis une aquarelle de Georg Dionysius Ehret

Arachis hypogaea, gravure dans le Plantae rariores, (tome 1), puis une aquarelle de Georg Dionysius Ehret

Carl von Linné admirait surement Christoph Jakob Trew; il avait affiché sur ses murs des gravures extraites du "Plantae rariores", qu’on peut consulter ici .

Il s’agit d’un ouvrage à la parution plus tardive (1764) de Trew, qui porte cette fois en légende les simples appellations binominales linnéennes. Voici par exemple l’Arachide sur un dessin de M. M. Payerlein, (actuellement c’est Arachis hypogaea), dans le Plantae rariores, (tome 1), qu’on pourra comparer avec une aquarelle originale d’Ehret sur le même sujet. Cette aquarelle fait partie d’un ensemble d’originaux consultables sur le site de la  Bibliothèque universitaire d'Erlangen-Nürnberg qui conserve la Bibliothèque de Trew, riche de 34000 volumes.

Voir là : https://ub.fau.de/en/history/trew-library/

Des descriptions prélinnéennes figurent encore sur quelques beaux ouvrages comme le « Plantae selectae » de Christoph Jakob Trew, en marge des estampes gravées par Johann Jacob Haid et Johann Elias Haid basées sur des dessins de Georg Dyonisius Ehret. L’ensemble des planches est visible  .

La Banane fait l’objet de six planches, trois pour la variété à fruits longs et trois pour celle à fruits courts, dont je montre ici la popote et quelques fruits en formation. D’après le Species plantarum de Linné, cette planche (n°22 chez Trew) représente Musa sapientum qu’on nommait en Amérique du Sud Figue-banane ou Bacobe. En fait il s’agit de l’une des deux variétés anciennes d’un même hybride qui rassemble toutes les bananes cultivées : Musa x Paradisiaca L.  On sait maintenant qu’à l’origine existe un croisement entre Musa acuminata et Musa balbisiana, deux espèces asiatiques dont Linné n’avait sans doute pas connaissance.

La Figue-banane (Musa sapientum) dans le « Plantae selectae », puis son identification par Linné dans le "Species plantarum"
La Figue-banane (Musa sapientum) dans le « Plantae selectae », puis son identification par Linné dans le "Species plantarum"

La Figue-banane (Musa sapientum) dans le « Plantae selectae », puis son identification par Linné dans le "Species plantarum"

Les planches dessinées là pour Trew sont souvent enrichies de nombreux détails autour du sujet principal parfois décliné en « variétés » différentes, comme on peut le voir sur les gravures très détaillées représentant le Grenadier, puis la grenade.

Le Grenadier, puis la grenade, dans le « Plantae selectae » de Christoph Jakob Trew
Le Grenadier, puis la grenade, dans le « Plantae selectae » de Christoph Jakob Trew

Le Grenadier, puis la grenade, dans le « Plantae selectae » de Christoph Jakob Trew

Juste après le grenadier figure le Figuier puis les figues, faisant l’objet de longues légendes manuscrites en latin.

Ce début de paragraphe du « Plantae selectae » pour déterminer le nom latin précis du figuier donne une idée de la quantité de périphrases descriptives faites par des auteurs précédents et qu’il était nécessaire, dans l’incertitude, de mentionner.

Le Figuier puis les figues, dans le « Plantae selectae » de Christoph Jakob Trew
Le Figuier puis les figues, dans le « Plantae selectae » de Christoph Jakob Trew

Le Figuier puis les figues, dans le « Plantae selectae » de Christoph Jakob Trew

La figue est dotée d’une structure très spéciale refermée sur elle-même, qui a fait couler beaucoup d’encre par les botanistes depuis l’Antiquité !

voir là : http://www.snv.jussieu.fr/bmedia/Fruits/figue.htm

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Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #Arbustes, #Botanique, #iconographie

J’ai découvert l’existence du Bilimbi en 2017 en visitant le Parc archéologique et botanique des roches gravées de Trois Rivières sur Basse-Terre en Guadeloupe. Non pas que cet ‘Arbre à cornichons’ soit originaire des Antilles mais il fait partie des curiosités d’un jardin tropical qu’on a acclimaté en bien des endroits ! En fait, il est originaire de Malaisie, mais en 1793, il est introduit en Jamaïque, puis de là se répand dans toute l’Amérique tropicale et les Caraïbes.

Michel Etienne Descourtilz dans la « Flore médicale des Antilles ou Traité des plantes usuelles des colonies françaises, anglaises, espagnoles et portugaises » le fait figurer sous le nom de Carambolier cylindrique, son origine des Indes orientales et sa parenté avec la carambole (Averrhoa carambola) ne faisant déjà aucun doute. Il nous dit que :

« Ses fruits quoique mûrs, ne se mangent pas crus, parce qu’ils sont d’une acidité trop énergique ou concentrée ; mais on les fait cuire, ainsi que les tomates, avec le gibier ou le poisson, auxquels ils donnent un goût relevé et agréable. On les confit au sucre, au vinaigre, au sel, pour les manger comme les groseilles, les câpres et les olives. »

Flore médicale des Antilles de Michel Etienne Descourtilz, illustré pat Théodore Descourtilz

Flore médicale des Antilles de Michel Etienne Descourtilz, illustré pat Théodore Descourtilz

La floraison de cet arbuste peut paraître un peu surprenante en ceci qu’elle est cauliflore : les grappes florales sortent directement du tronc et des branches âgées, les corolles sont d’un beau rouge carmin et dans les grappes, sont mêlées de fruits déjà bien formés.

Sachant que cet arbuste appartient à la famille des Oxalidacées, on peut s’interroger sur le rapport avec ces petites herbacées que sont les oxalis : c’est en fait la présence dans ces plantes d’oxalate qui constitue le point commun aux diverses oxalidacées. Voilà d’ailleurs pourquoi le Bilimbi, très acide tel quel, en dehors de ses propriétés médicinales dans certains cas, devrait être consommé avec modération surtout sous forme de jus frais, car il pourrait nuire au fonctionnement des reins. Il est plutôt accommodé, par exemple à la Réunion, en Achars ou en Chutney. Ci-après, un lien sur une recette de Rougail sur le site de Mi-aime-a-ou :

Son nom latin  (Averrhoa bilimbi) fait honneur à Averroès, philosophe et médecin arabe du 12ème siècle, pour le genre, mais il est heureux que Linné ait quand même conservé pour préciser l’espèce le nom sous lequel il était depuis très longtemps connu en Malaisie.

 

Le Bilimbi figure sur une planche du 17ème siècle de l’ Hortus indicus Malabaricus (…continens regni Malabarici apud Indos cereberrimi onmis generis plantas rariores, Latinas, Malabaricis, Arabicis, Brachmanum charactareibus hominibusque expressas). Ce recueil de plantes  est rédigé par Hendrik Adriaan van Rheede tot Drakenstein, engagé à l’origine par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Rheede devient ensuite gouverneur sur la côte de Malabar ; son Hortus indicus Malabaricus a été utilisée par Linné comme une référence pour les plantes du Sud de l’Inde.

"Hortus indicus Malabaricus" par Hendrik Adriaan van Rheede tot Drakenstein

"Hortus indicus Malabaricus" par Hendrik Adriaan van Rheede tot Drakenstein

 Dans l’Hortus indicus Malabaricus,  le nom usuel de Bilimbi, est accompagné comme c’est très rarement le cas dans les ouvrages de botanique de l’époque qui ne connaissent guère que le latin, des équivalences en arabe, en malayalam et en brahmane, car pour chacune des 740 planches, Rheede a su bien s’entourer et utiliser les savoirs ancestraux de la région pour enrichir son encyclopédie.

Voir sur Plant-Use, là 

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Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #iconographie, #voyages, #Paysages

Jusqu’au 19ème siècle, la Géographie, consiste surtout en une cartographie qui doit rester la plus actualisée possible, reposant sur des mesures précises prises dans un espace en deux dimensions, plat. Elles est ainsi une notion abstraite, indépendante de la vision humaine, notre perception visuelle restant partielle, anecdotique bien qu’en trois dimensions. Dès que sur une carte ancienne, on voit figurer par exemple, des montagnes ou des monuments figurés un peu de trois quart, on peut commencer à parler de Chorographie. On pourrait ainsi dire que la Chorographie ‘humanise’ la Géographie. Les cartes anciennes étaient peuplées de ces détails ajoutés qui permettaient aussi de pallier à une insuffisance de données cartographiques laissant des blancs sur les terres inconnues. Par la suite, les cartes devenant de plus en plus détaillées, le domaine de la Chorographie s’est déplacé ; c’est devenu l’apport de dessinateurs croquant sur place les paysages, les villages et même les habitants, et leurs modes de vie. C’est donc forcément une vision plus locale, la chorographie ne prétend pas donner une vision générale sur une seule image, elle multiplie les points de vue en une somme de représentations diverses qui peuvent être un apport à la géographie mais aussi bien à l’ethnographie, à la botanique, etc… 

Camp de la Comisión Corográfica à Yarumito, province de Soto, aquarelle de Carmelo Fernandez

Camp de la Comisión Corográfica à Yarumito, province de Soto, aquarelle de Carmelo Fernandez

C’est dans cet esprit, je crois, qu’est née cette Commission Chorographique en Colombie qui commença ses travaux en 1850, chargée d'étudier la géographie, la cartographie, les ressources naturelles, l'histoire naturelle, la culture régionale et l'agriculture de la Nouvelle-Grenade.

L’ambiance du campement de la Comisión Corográfica à Yarumito, province de Soto est représentée dans l'aquarelle ci-dessus de Carmelo Fernandez (1809-1887), devenu le premier dessinateur de la Commission chorographique.

Du même artiste, la vue sur le détroit de Furatena sur la rivière Minero, dans la province de Vélez montre Fura et Tena, deux sommets imposants qui s'élèvent brusquement de la rivière Minero. La légende de Fura et Tena est le mythe de la création des Indiens Muzos, qui ont habité ce territoire riche en émeraudes pendant des siècles.

Fura et Tena, deux sommets mythiques dans la province de Vélez, aquarelle de Carmelo Fernandez

Fura et Tena, deux sommets mythiques dans la province de Vélez, aquarelle de Carmelo Fernandez

D’Henry Price (1819-1863), peintre et musicien britannique qui reprend le flambeau après Carmelo Fernandez, pour la troisième expédition, en 1852, j’avais envie de vous montrer cette belle vue de la ville de Santa Rosa de Osos, dans la province d'Antioquia.

Santa Rosa de Osos, Aquarelle d'Henry Price

Santa Rosa de Osos, Aquarelle d'Henry Price

D'Henry Price: La cascade de Guadalupe, dans la province de Medellín et une vue panoramique du confluent de la rivière Grande et de la rivière Chico, province d'Antioquia.
D'Henry Price: La cascade de Guadalupe, dans la province de Medellín et une vue panoramique du confluent de la rivière Grande et de la rivière Chico, province d'Antioquia.

D'Henry Price: La cascade de Guadalupe, dans la province de Medellín et une vue panoramique du confluent de la rivière Grande et de la rivière Chico, province d'Antioquia.

L’ingénieur et géographe italien Agostino Codazzi (1793-1859), un des cofondateurs de cette commission chorographique,  combattit aux côtés de Simón Bolívar. Il est ici en train de prendre des mesures sur le plateau d'Herveo dans la province de Cordoba, comme il est indiqué en légende sur cette aquarelle d’Henry Price.

 

Manuel María Paz (1820-1902) le troisième contributeur, est l’auteur des aquarelles suivantes montrant deux points de vue naturels, une vue sur les Andes, et une cascade légendaire ‘l'Excomulgado’ (l'excommunié), puis une scène assez frappante de portage au-dessus d’un torrent !

Une vue sur les Andes, aquarelle de Manuel María Paz

Une vue sur les Andes, aquarelle de Manuel María Paz

Une cascade légendaire ‘l'Excomulgado’ (l'excommunié), aquarelle de Manuel María Paz

Une cascade légendaire ‘l'Excomulgado’ (l'excommunié), aquarelle de Manuel María Paz

Portage au-dessus d’un torrent, aquarelle de Manuel María Paz

Portage au-dessus d’un torrent, aquarelle de Manuel María Paz

Pour finir, toujours de Manuel María Paz, une technique ancestrale de lavage de l'or, dans la province de Barbacoas, puis le pont sur la rivière Ingará, Province de Chocó, qui semble bien rudimentaire, fait  de bois et de lianes utilisées comme liens et cordes ; ces ponts enjambaient des rivières et ruisseaux impétueux.

Lavage de l'or, dans la province de Barbacoas, aquarelle de Manuel María Paz

Lavage de l'or, dans la province de Barbacoas, aquarelle de Manuel María Paz

Pont de bois et de lianes sur la rivière Ingará, Province de Chocó, aquarelle de Manuel María Paz

Pont de bois et de lianes sur la rivière Ingará, Province de Chocó, aquarelle de Manuel María Paz

Les dessins et aquarelles de terrain de Carmelo Fernandez, puis de Henry Price, et ensuite de Manuel María Paz sont conservés à la Bibliothèque nationale de Colombie. J’ai repris beaucoup de texte des légendes sur ce site où vous pouvez voir d’autres aquarelles :

Colombie, commission chorographique

Sur la notion de Chorographie différente de celle de Géographie, un article très intéressant:

https://topophile.net/savoir/le-lieu-chorographique/

 

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