Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Botazoom, Botanique et Iconographie

Botazoom, Botanique et Iconographie

Ce blog est destiné aux curieux de botanique. En s’appuyant sur les photos que j’ai pu faire en voyage, et sur de l’iconographie ancienne, il rentre un peu dans les détails qui m’ont permis d’identifier une espèce, mais son contenu doit être considéré comme celui d’une botaniste amateur !

Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #Botanique, #iconographie, #Botanistes

Une très longue évolution commencée en Malaisie et Indonésie il y a plus de 2500 ans, a mené progressivement vers les bananiers cultivés actuels. Ceux-ci devaient privilégier des caractères utiles pour l’homme, ils sont devenus producteurs de fruits stériles et parthénocarpiques (sans graines). On les multiplie végétativement et les variétés sont des clones ; la belle popotte de fleurs mâles qui termine l’inflorescence est coupée sans regret pour privilégier la croissance de la partie femelle au-dessus : le régime.

 

Dans cet article ne figureront que des auteurs réellement présents sur le continent asiatique car il existe aussi beaucoup de représentations européennes très anciennes se référant à des images antérieures mais pas à de l’observation personnelle de l’auteur.

Dans la Flora Sinensis  du missionnaire jésuite polonais Michael Boym, publiée à Vienne en 1656, on trouve une des premières illustrations de Bananier, dessinée par l’auteur qui a vécu une dizaine d’années en Chine. Vous pouvez, sur Plantuse, consulter une traduction du texte associé à ce bananier nommé Pa-Cyao, ou Figues des Indes et de la Chine.

https://uses.plantnet-project.org/fr/Flora_Sinensis,_1696

Le Bananier figure sur trois planches du 17ème siècle de l’ Hortus indicus Malabaricus. Ce recueil de plantes  est rédigé par Hendrik Adriaan van Rheede tot Drakenstein, engagé à l’origine par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Rheede devient ensuite gouverneur sur la côte de Malabar ; son Hortus indicus Malabaricus a été utilisée par Linné comme une référence pour les plantes du Sud de l’Inde.​​​​​​​

Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein
Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein

Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein

Dans l’Hortus indicus Malabaricus, tome 1, planches 12, 13 et 14 (1678-79), le nom usuel de la Banane, est accompagné des équivalences en arabe, en malayalam et en brahmane, comme pour chacune des 740 planches, car Rheede a su bien s’entourer et utiliser les savoirs ancestraux de la région pour enrichir son répertoire. Sur les trois planches figure le nom de Bàla un nom latin alors choisi par Rheede, l’équivalent moderne est Musa x paradisiaca, nom général qui regroupe les bananes dessert et les bananes à cuire (plantain).

Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein

Hortus indicus Malabaricus par H.A. van Rheede tot Drakenstein

Un texte de Diderot tiré du tome 4 de L’Encyclopédie (1777, p. 329) détaille en quelques pages, 29  ‘espèces’ de Bananier en citant des noms locaux. Il s’insurge en page 320 de la décision de Karl Linné de toutes les réduire  à deux espèces (paradisiaca et sapientum). La notion de variétés d’une même espèce n’avait pas encore assez de poids !

Au sujet du Bala, Diderot nous dit: « Le bala est le bananier le plus commun au Malabar et au Sénégal. Van-Rheede en a donné une figure assez complète sous ce nom Malabare, dans son Hortus Malabaricus, vol.1 p.17, pl.12, 13 et 14. Les Brames l’appellent Kely. Pline l’a indiqué sous le nom de pala, dans son Histoire naturelle, liv.12, chap.6, où on appelle son fruit ariena. C’est l’iminga ou l’ininga de Soffala, le figo d’orta, c’est-à-dire, figuier des jardins des Portugais. »

Je suis partie ensuite d’une planche en couleur d’un ouvrage de William Roxburgh, un médecin écossais devenu directeur du jardin botanique de Calcutta et qui a établi le premier catalogue de la flore indienne (Hortus bengalensis en 1814). Dans « Plants of the coast of Coromandel » (Vol. III) paru en 1819, William Roxburgh a légendé la banane Musa sapientum ; en fait les deux noms (paradisiaca et sapientum) sont donnés conjointement par Linné en 1759 dans son Systema Naturae, éd. 10 (ci-dessous).

Roxburgh écrit ceci :

« Les variétés de bananes cultivées en Inde sont très nombreuses, mais celles de plantains le sont moins, car je n'en ai connu jusqu'à présent que trois, alors que je peux dire sans me tromper que pas moins de dix fois plus de variétés de bananes sont passées sous mon contrôle. 

Leur durée, leur culture, leur habitude et leur caractère naturel sont déjà bien connus. Je me limiterai donc à ce que je pense être le musa sauvage originel, dont découlent, je pense, toutes les variétés cultivées (plantain et banane). En deux ans, à partir de la graine reçue de Chittagong, ils ont atteint la hauteur habituelle des espèces cultivées, qui est de dix ou douze pieds. Ils fleurissent en toute saison, mais généralement pendant les pluies, et mûrissent leur graine cinq ou six mois après, lorsque la plante périt jusqu'à la racine, qui bien avant ce temps a produit d'autres pousses ; celles-ci continuent à grandir, fleurir, etc, en succession pendant plusieurs années. Leurs feuilles sont exactement comme celles des espèces cultivées. »

Musa sapientum dans "Plants of the coast of Coromandel" de William Roxburgh.

Musa sapientum dans "Plants of the coast of Coromandel" de William Roxburgh.

On y retrouve aussi le nom de Bala cité dans ses synonymes avec la référence  « Rheed Mal… », ce qui permet d’en déduire que, pour William Roxburgh, dans les trois planches de l’Hortus indicus Malabaricus, il s’agit aussi d’une sorte de Musa originel mais en fait à cette époque une quantité de variétés de bananes existaient déjà de par le monde. La théorie de Roxburgh est là assez radicale et le fait est, que maintenant, les deux espèces (Musa paradisiaca et Musa sapientum) sont incluses dans l’hybride Musa × paradisiaca L.  On peut peut-être dire que Roxburgh avait pressenti  quelque-chose sans toutefois avoir en main les recherches récentes qui font de nos bananes des hybrides issus de deux espèces asiatiques distinctes Musa acuminata Colla et Musa balbisiana Colla! (Voir mon article sur les Bananes ancestrales).

La deuxième référence antérieure citée par William Roxburgh pour cette planche de musa sapientum vient de l’ Herbarium Amboinense, de Georg Eberhard Rumpf (1627-1702), publié en 1750 à Amsterdam. Ambon se situe dans l’Archipel des Moluques, Rumphius y passe de nombreuses années au service de la Compagnie Néerlandaise des Indes orientales.

Il s’agit d’une gravure d’un bananier en pied, la Planche 6 du tome 5, dans une légende jointe assez complexe, j’ai pu retenir pour C : le fruit de Piffang Medji. La traduction du malais serait Bananier des tables toujours selon le volume 4 de l’Encyclopédie par Diderot (1777, p. 328) et les hollandais les mangeraient avec du pain et du fromage ! voir le texte de Diderot là. 

 

Musa dans l’ Herbarium Amboinense, de Georg Eberhard Rumpf

Musa dans l’ Herbarium Amboinense, de Georg Eberhard Rumpf

Toujours à propos de Pisang, voici trois belles illustrations peintes d’après nature, provenant du Naturalis Biodiversity Center de Leyden ; ces peintures plus récentes sont nommées par des noms locaux indonésiens qui relèvent de Musa paradisiaca. Je n’ai pas retrouvé davantage de renseignements sur les variétés dont je ne suis même pas sûre de l’orthographe mais les peintures sont belles et au moins pour la première nous avons le nom du peintre : A. Bernecker.

variétés de Musa x paradisiaca (Naturalis Biodiversity Center de Leyden)
variétés de Musa x paradisiaca (Naturalis Biodiversity Center de Leyden)
variétés de Musa x paradisiaca (Naturalis Biodiversity Center de Leyden)

variétés de Musa x paradisiaca (Naturalis Biodiversity Center de Leyden)

Une autre artiste botanique néerlandaise établie à Batavia (Jakarta), Berthe Hoola Van Nooten (1817-1892) peint Musa paradisiaca L. (Pisang maas) parmi une série de Fruits de Java ; on peut voir les superbes chromolithographies qui en furent tirées là :

 https://bibliodyssey.blogspot.com/2006/07/fruits-of-java.html

 

 

Et à bientôt, j'espère, pour l'histoire américaine des bananes!

Commenter cet article
M
Moi qui croyais que les bananes étaient originaires d'Afrique ! Merci pour cet article.
Répondre
C
Elles sont bien d'origine asiatique mais si répandues et sous des formes si diverses autour du globe qu'on s'y perd!
E
Je regarderai ma banane avec un oeil plus curieux, la prochaine fois que j'en mangerai ! amitiés. Elizabeth
Répondre
C
C'est un fruit formidable: bon, nourrissant, et pas réservé à une élite!