Le Tussilage et les Pétasites sont des plantes souvent associées et remarquables pour leur floraison hivernale.
Si le Pétasite blanc et le Pétasite hybride (ou Pétasite officinal) sont deux espèces surtout montagnardes qu’on peut rencontrer entre deux névés, le Tussilage est présent aussi en plaine. Enfin une dernière espèce plus récemment nommée le Pétasite des Pyrénées fait mentir la règle comme quoi des feuilles de belle taille se déploient seulement après la floraison.
Le Pétasite officinal, (Photo ci-contre, sur un col de Haute-Savoie en tout début de floraison) figure de belle façon dans un ouvrage de 1774 au titre long : « La botanique mise à la portée de tout le monde, ou, Collection de planches représentant les plantes usuelles d'après nature, avec le port, la forme & les couleurs qui leur sont propres : gravées d'une manière nouvelle...». Auteurs : Nicolas-François Regnault, 1746-1810, Geneviève de Nangis Regnault (1746-1802). Il est difficile d’attribuer la rédaction du texte à l’un ou à l’autre de ces deux auteurs, par contre le dessin d’origine de ce Pétasite est bien signé Geneviève de Nangis Regnault. Vous noterez le nom usuel d’Herbe aux Teigneux et dans le texte joint l’auteur écrit : « On se sert rarement des feuilles, si ce n’est pour les appliquer sur la tête des enfants qui ont la teigne ».
Linné avait bel et bien rapproché le Tussilage des Pétasites, au point qu’il avait nommé notre actuel Petasites hybridus (L.) G.Gaertn., B.Mey. & Scherb. (soit le Pétasite officinal) : Tussilago petasites L. comme on peut le voir sur la gravure de Geneviève de Nangis Regnault. Mais en page 866 du Species Plantarum de Linné, figure aussi un Tussilago hybrida, également reconnu comme notre Pétasite officinal actuel…
Ces confusions anciennes ne sont pas surprenantes car ces deux genres de Composées à floraison hivernale font pousser après la floraison des feuilles assez semblables, et leur tige florale est garnie de bractées écailleuses. En dehors de l’évidente différence de couleur des fleurs, les Pétasites ont des fleurons tous hermaphrodites alors que le Tussilage possède des ligules sur la circonférence.
Le Tussilago alba de Linné est devenu notre Petasites albus (L.) Gaertn., le Pétasite blanc, une plante montagnarde qui évite les Pyrénées, ici prise en photo sur le Semnoz, entre des plaques de neige et avec un tout début de feuillage.
Ces deux premières espèces sont illustrées, en compagnie du Tussilage, dans le vol. 16 d’un autre bel ouvrage en 24 volumes : « Icones florae Germanicae et Helveticae… », les auteurs sont H.Gottlieb Ludwig Reichenbach, puis son fils H.Gustav Reichenbach, sans doute l’auteur des dessins signant Rchb fil.del.
https://www.biodiversitylibrary.org/item/29324#page/115/mode/1up
Sur la deuxième gravure figure Petasites vulgaris Desf. C'est un synonyme reconnu de Petasites hybridus (L.) G.Gaertn., B.Mey. & Scherb. pour le Pétasite officinal. Le Pétasite blanc et le Tussilage n'ont pas changé de nom latin.
Voici le Tussilage (Tussilago farfara L.), photographié près d'Annecy sur le lit caillouteux d'un cours d'eau montagnard.
Et pour finir, voici donc ce dernier Pétasite, inconnu de Linné.
Le Pétasite odorant ou Pétasite des Pyrénées (Petasites pyrenaicus (L.) G.Lopez), se distingue aisément car feuillage et floraison sont chez lui synchrones. Il n’est pas spécialement montagnard (mes photos viennent de St Nazaire). Les feuilles en forme de rein, forment un tapis d’où émergent des tiges plus élancées et un bouquet floral plus ouvert. Il faut noter la présence sur le pourtour des petits capitules de quelques fleurs courtement ligulées, c’est un autre critère notoire qui le différencie des deux autres.
J’ai consulté le texte historique témoignant de son apparition tardive dans notre flore d’Europe de l’Ouest dans les "Actes de la société d'histoire naturelle de Paris : tome premier" (1792), sous le titre : « Nouvelle espèce de Tussilage » par M.Villars. L’auteur, après sa description latine, faite d’après des exemplaires du Jardin botanique de l’Ecole vétérinaire de Lyon, provenant d’une cueillette locale ‘au bas du Pila’, nous dit que l’espèce trace et ne se multiplie que trop par ses racines et il ajoute quatre Observations :
- Elle fleurit la première, et vers la fin de décembre
- Ses feuilles sont entières, et accompagnent les fleurs
- Ses fleurs sont très odorantes, sentant le noyau
- Ses fleurs sont vraiment radiées à la marge
Ce Pétasite odorant est encore nommé Tussilago fragrans sur l’illustration jointe au texte de M.Villars, puis Petasites fragrans (Vill.) C.Presl avant de gagner son nom latin actuel : Petasites pyrenaicus (L.) G.Lopez.
En fait sa provenance semble plus méridionale : Italie, Sardaigne, Sicile, Afrique septentrionale, et pourtant il n’y est plus répertorié en abondance alors que sur la façade Ouest de l’Europe, il s’est facilement naturalisé.