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Botazoom, Botanique et Iconographie

Botazoom, Botanique et Iconographie

Ce blog est destiné aux curieux de botanique. En s’appuyant sur les photos que j’ai pu faire en voyage, et sur de l’iconographie ancienne, il rentre un peu dans les détails qui m’ont permis d’identifier une espèce, mais son contenu doit être considéré comme celui d’une botaniste amateur !

Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #Arbres, #voyages

Au cours de notre récent voyage au Sénégal, l’ile de Mar Lodj dans le Siné Saloum nous a accueillis durant deux jours. En arrière de nos logements assez paradisiaques donnant sur le petit débarcadère où nous avons accosté, c’est le village puis une savane arborée que nous avons parcouru avec des charrettes en faisant des arrêts pour observer les oiseaux (but réel de ce voyage).  Un peu en marge du groupe, j’ai fait beaucoup de photos de botanique qui reste mon intérêt principal. Je vais parler ici de trois arbres emblématiques du Sénégal.

Les Boababs (Adansonia digitata), toujours impressionnants, sont parfois feuillés et parfois nus ; la base du tronc porte souvent la trace de longues cicatrices dues à un écorçage à des fins utilitaires.

 Les textes repris ci-dessous sont issus d’une étude de P. L. GIFFARD conservateur des eaux et forêts : « L’ARBRE DANS LE PAYSAGE SÉNÉGALAIS » parue en 1974. On peut consulter ce copieux Pdf là :

https://agritrop.cirad.fr/336905/1/ID336905.pdf

« En pratiquant des incisions parallèles horizontales autour du tronc et des incisions verticales, on arrache aisément de larges bandes au moment de la montée de la sève. Les paysans en extraient des fibres pour confectionner des cordes et des cordages; jadis ils s’en servaient pour fabriquer des vêtements. L’écorce se reconstitue lentement mais les bourrelets cicatriciels blanchâtres demeurent visibles à la base des arbres »

Et pour l’alimentation humaine :

« Récoltées en juin, quelques semaines après leur épanouissement, les feuilles sont bouillies et servies comme des épinards ou séchées au soleil, pulvérisées et conservées pour être incorporées aux céréales sous forme de sauce. Les analyses révèlent une extraordinaire richesse de ce produit en calcium et en fer. »

« Le fruit communément désigné sous le nom de Pain de singe est une grosse masse ovoïde pouvant atteindre 35 cm de longueur et 17 cm de diamètre, suspendue à l’extrémité d’un pédoncule de 25 à 30 cm, semblable à une corde. L’enveloppe, dure et coriace, extérieurement gris-jaunâtre, veloutée, pelucheuse, contient une pulpe blanche farineuse compartimentée en petits blocs qui englobent des graines réniformes protégées par un tégument ligneux noir. La pulpe, spongieuse quand elle est fraîche, aussi dure que de la craie après avoir séché, renferme 80 % de glucides et des teneurs importantes en calcium, en phosphore, en vitamines B et C. On l’utilise encore dans les campagnes sénégalaises mélangée avec du lait ou de la bouillie de mil. » J’ai gouté à cette pulpe blanche, elle a un peu la consistance de la meringue.

Un autre arbre important pour tout le Sénégal est le Faidherbia albida, le Kad, bien qu’hérissé de longues et dangereuses épines, il est une source importante de fourrage et à son propos, il est écrit :

« Ce sont toutefois les gousses qui jouent un rôle de premier ordre dans l’économie rurale. La fructification ayant lieu entre février et mai, période critique pour l’alimentation du bétail, les fruits sont pâturés au fur et à mesure qu’ils tombent mais, de plus en plus fréquemment, les paysans les ramassent au lever du jour pour nourrir les animaux maintenus dans les enclos ou pour les vendre aux citadins qui possèdent des moutons. »

J'ai pu photographier le Rollier d'Abyssinie sur une branche de ce Kad!

A propos des Rôniers, deux espèces sont très proches: (Borassus aethiopum, ou Borassus akeassii). Ils furent pour la première fois signalés, sans distinction des deux taxons, par Adanson (qui a donné son nom latin au Baobab) :

« Il les observa vers 1750 au Sénégal et les baptisa ‘Ron’ comme les Ouolofs, mot qui, ultérieurement, fut transformé en Rônier. »

« Le limbe sert à couvrir les cases installées dans les champs pendant la saison des pluies. Avec les fibres allongées et peu lignifiées, avec les nervures souples et coriaces, on tisse ou on tresse des couffins pour l’emballage des fruits et des légumes, des corbeilles à pain et à papier, des sacs à main, des coupes, des chapeaux, des éventails, etc... Le pétiole dont les faisceaux vasculaires, isolés les uns des autres, sont entourés de fibres lignifiées, procure un matériau léger, flexible et résistant. En le fendant, on obtient des lamelles qui permettent de confectionner des tables, des chaises, des pliants, des fauteuils, des lits, des berceaux, des cages à oiseaux, des lampes, des valises, etc... »

On peut ajouter que ce Rônier, sujets mâles comme sujets femelles, peut donner aux Diolas de Casamance qui ne sont pas musulmans le Vin de palme, mais l’extraction, mal pratiquée risque fort de  tuer le Rônier. Ce breuvage est aussi produit, avec moins de risque pour le palmier, par Elaeis guineensis, le Palmier à huile, très présent en Casamance. La récolte du vin de palme sur les palmiers à huile représente l’activité principale des Diolas pendant la saison sèche. (ci-dessous, photo de Christian Kerihuel)

Sur cette photo d’un groupe de Rôniers à différents âges on voit tout à fait à gauche un sujet qui commence à se dénuder sur le tronc ; en fait le stipe vers l’âge de 25 ans environ grossit et cause alors le déchirement et la chute, du haut vers le bas, des gaines de ces feuilles fanées qui l’encombrent. Ensuite le tronc plus lisse comme sur les sujets à droite permet d’y grimper pour récolter les fruits, mais ce n’est pas sans danger ! Le sujet de droite, femelle, au stipe plus épais, porte ces régimes de fruits qu’il convient de récolter avant qu’ils tombent si on veut consommer l’albumen de la noix en cours de formation.

« Il a la consistance d’une gelée incolore qui possèderait des propriétés aphrodisiaques. On le mange frais ou grillé. »  

Ci-dessus un Rônier mâle avec ses épis floraux (un peu fanés). Pour les photos précédentes, il pourrait s'agir plutôt de Borassus akeassii, car les rachis des feuilles ne sont que très peu dentés.

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E
Merci pour ce voyage qui nous apporte un peu de la chaleur qui nous manque en ce moment ! Je suis toujours très intéressée par ces économies traditionnelles qui utilisent toutes les possibilités que leur offre la nature. Ca me rappelle la richesse de la culture inuit dont les femmes utilisaient les tendons séchés d'animaux comme fil pour confectionner les vêtements, etc... Chez nous aussi, les faînes nous ont sauvé de la famine, mais tout cela est bien fini avec notre société de consommation. Nos liens avec le nature se sont distendus...
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C
Oui, même au Sénégal, certains usages se sont perdus mais d'un autre côté, la grimpette aux Rôniers pour récolter des fruits a causé pas mal d'accidents graves. Par contre comme tu as pu voir, les feuilles et les pétioles des rôniers sont encore bien utilisés!
C
Bonjour Claire, merci pour ce voyage !<br /> Il me fait penser à un séjour en Casamance dans des conditions particulières, et à une expédition sur le fleuve Casamance. Impression intense, j'y serais bien restée.
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C
Je suis contente de t'avoir rappelé des beaux souvenirs, c'est pareil pour moi, nous avons passé 6 journées en Casamance: le séjour a été intense, j'espère y retourner un jour...