Pour faire suite à mon article récent sur les Narcisses qui sont des Amaryllidacées à paracorolle, en voici quelques autres qui possèdent de surcroit des filets d’étamines soudés à la paracorolle et la dépassant, ce qui leur donne une allure très particulière. On retrouve cette structure chez les Pancraces et dans deux genres plus exotiques : les Eucharis et les Hymenocallis.
Le Pancrace maritime (Pancratium maritimum L.), est une belle espèce des côtes sableuses d’un blanc immaculé ; sa paracorolle est ornée en périphérie d’une douzaine de larges dents et entre ces dents, six longs filets d’étamines courbent gracieusement leurs anthères vers le cœur, sans doute pour délivrer aisément leur pollen aux visiteurs par exemple le Sphinx du Liseron (Agrius convolvuli) qui serait le plus probable. La chenille de la Noctuelle du Pancrais (Brithys pancratii Cyrillo) est plus intéressée d’un point de vue gastronomique comme vous le constatez sur mes photos prises en Galice sur la côte.
Bien qu’il existe de nombreuses représentations anciennes de ce Pancrace maritime, je préfère m’en tenir à la belle gravure de Pierre Joseph Redouté dans son ouvrage sur Les Liliacées, car j’y reconnais bien l’espèce.
Le Lis de l’Annonciation, sous le nom scientifique d’Eucharis grandiflora Planch. & Linden (1854), figure dans la Flore illustrée des phanérogames de Guadeloupe et de Martinique, de Jacques Fournet. Ce dernier le déclare assez commun sur toutes les Antilles, et dit qu’il préfère des situations ombragées comme c’était bien le cas sur le sentier des troisièmes chutes du Carbet où je l’ai photographié. La mention qu’il ajoute : « parfois échappé » donne toutefois l’impression qu’il s’agit surtout d’une belle plante des jardins créoles… et d’ailleurs maintenant on classe cet Eucharis dans les hybrides et son nom, de ce fait, a un peu changé : Eucharis x grandiflora Planch. & Linden.
Dans l’illustration qui suit, tirée d’une publication de 1888, The Garden, vol. 34 : il s’agirait d’Eucharis amazonica dont le site très sérieux gbif.org fait un synonyme d’Eucharis grandiflora
https://www.gbif.org/fr/species/101307876
Le fait est qu’il lui ressemble en tous points !
Toujours dans The Garden, vol. 9 de 1876, on trouve l’illustration d’une espèce très proche : Eucharis candida Planch. & Linden, qui fait partie de la Flore du Panama et de la Colombie mais s’échappe aussi les jardins.
Hymenocallis caribaea (L.) Herb. , figure aussi dans la Flore des Antilles de Fournet avec des noms vernaculaires comme Lis blanc ou Lis à l’huile. Linné l’avait dénommé Pancratium caribaeum L., ce qui peut aisément se comprendre tant la morphologie de ces Amaryllidacées est proche. Pour parler de la grande tige non feuillée des Lis en général, on utilise le terme botanique de scape. Au sommet du scape, enveloppées en début de floraison dans une spathe à deux valves qui se déchire, se trouvent huit à dix fleurs directement insérées (sans pédicelles) mais le tube de la corolle très long rend ce détail peu sensible.
Il est évoqué par M.E.Descourtilz dans sa Flore pittoresque et médicale des Antilles, vol. 8 (1829) sous l’appellation linnéenne Pancratium caribaeum L. avec le nom vernaculaire de Pancrais des Antilles ou Pancrais odorant. Descourtilz lui reconnait une odeur suave et exquise proche de celle de la vanille. Il mentionne que l’oignon de ce lis des Antilles est utile en mélange avec de la graisse de porc (la mantègue) pour confectionner des ‘cataplasmes résolutifs et maturatifs’. Le dessin de Théodore Descourtilz ne donne pas une idée exacte de la longueur spectaculaire de toutes les pièces de la corolle.
Cet aspect est mieux rendu dans les deux illustrations suivantes du Curtis’s Botanical Magazine.
Hymenocallis caribaea (L.) Herb. dans le Curtis's botanical magazine, vol. 36 (1812)
Et une autre vue en format vertical dans le Curtis's botanical magazine, vol. 21 (1805).
Pierre Joseph Redouté, dans Les Liliacées, vol. 6 (1805), représente cet Hymenocallis sous le nom donné par Jacquin : Pancratium declinatum Jacq. En effet, Jacquin considérait que la tige se courbait en fin de floraison sans que le poids des fleurs ou la faiblesse de la tige ne le justifient.