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Botazoom, Botanique et Iconographie

Botazoom, Botanique et Iconographie

Ce blog est destiné aux curieux de botanique. En s’appuyant sur les photos que j’ai pu faire en voyage, et sur de l’iconographie ancienne, il rentre un peu dans les détails qui m’ont permis d’identifier une espèce, mais son contenu doit être considéré comme celui d’une botaniste amateur !

Publié le par Claire Felloni
Publié dans : #Arbres, #iconographie, #Botanique

Le Marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum), figure dans la Flora Gallica mais il y est classé comme espèce plantée et échappée, tendant à se naturaliser, car il s’agit d’une introduction ancienne (1615, à Paris, par Bachelier). L’espèce, originaire des Balkans, s’est intégrée peu à peu dans notre environnement campagnard. La gravure ci-dessous décrit donc pour son auteur une espèce arrivée récemment ; elle est d’Abraham Bosse (1602-1676), un maître de l’eau forte au 17ème siècle ; il travaille ici pour le « Recueil des plantes dessinées et gravées par ordre du roi Louis XIV » de Denis Dodart (Pl.96).

Si vous avez observé les Marronniers plantés en ville, vous avez sûrement remarqué des individus aux belles grappes de fleurs d’un rose parfois vif : il s’agit du Marronnier à fleurs rouges (Aesculus x carnea) un hybride résultant du croisement de notre Marronnier d’Inde avec le Pavier rouge ou Marronnier de Virginie (Aesculus pavia), une espèce plus petite venue de l’Est des Etats-Unis. Le Pavier rouge ne porte aucune épine sur ses bogues, les feuilles sont composées de cinq folioles seulement. Sur l’hybride, les bogues, quand on en trouve, sont très peu épineuses ; les feuilles comptent en général cinq folioles. Aesculus carnea  ‘Briotii’  est  une variété de cet hybride obtenue aux pépinières du Trianon (Versailles) en 1858 ; théoriquement, vous ne lui trouverez pas de fruits car l’espèce est dite stérile.

Dans la Flora Gallica, ce marronnier a maintenant droit de cité au titre de véritable espèce : Aesculus carnea Hayne, 1822, dit le Marronnier rouge mais une mention précise : Allotétraploïde dérivé de A. hippocastaneum et de A. pavia.

Le Pavier rouge (Aesculus pavia), dont les fleurs restent assez tubulaires apporte la couleur rose vif à l’hybride mais la belle corolle déployée et frisottée de ‘Briotii’ vient sans doute de sa parenté avec le Marronnier d’Inde. Pour les plantations d’alignement urbaines, outre la plus séduisante couleur de ce Marronnier à fleurs rouges (Aesculus x carnea), il est apprécié aussi pour sa taille plus modérée, sa résistance meilleure aux maladies et au dessèchement précoce du feuillage en été, et enfin sa fertilité moindre voire nulle (moins ou pas de marrons au sol). De fait, cet arbre est maintenant souvent  planté en ville.

Un très beau Marronnier à fleurs rouges était visible en Mai 2013 au Parc Montsouris, mais également plusieurs sujets de Pavier jaune (Aesculus flava), je n’y suis pas retournée depuis ! Nous avons pu voir  très nettement le point de greffe sur les troncs car ils sont souvent greffés sur le Marronnier d’Inde. Ce Pavier jaune, très décoratif mais moins planté en Europe est originaire de l’Est des Etats-Unis. Son feuillage se pare de belles couleurs orangées à l’automne ; les fruits sont toxiques. Les corolles florales comme chez le Pavier rouge, restant plus fermées que chez les Marronniers, l’épi floral est peut-être un peu moins séduisant.

Aesculus flava au parc Montsouris
Aesculus flava au parc Montsouris

Aesculus flava au parc Montsouris

Un autre Aesculus originaire encore du sud-est des Etats-Unis est parfois visible dans nos jardins mais il convient de bien contrôler l’espace qu’on lui accorde. En effet, il ne forme pas vraiment de tronc, il se présente plutôt comme un grand buisson en nappe dont les branches sortent directement du sol: il s’agit du Pavier blanc (Aesculus parviflora). Les inflorescences ne manquent pas  de charme avec de longues étamines qui donnent à l’épi floral un aspect de goupillon flou.

Aesculus parviflora dans un jardin sarthois
Aesculus parviflora dans un jardin sarthois

Aesculus parviflora dans un jardin sarthois

Deux botanistes et explorateurs, André Michaux puis son fils François-André Michaux (1770-1855), ont grandement contribué à la connaissance des Paviers américains. C’est le père qui introduit le Pavier blanc (Aesculus parviflora) en France et le fils qui envoie des graines du Marronnier à fleurs rouges au jardin des Plantes à Paris ; l’arbre y fleurit pour la première fois en 1815.

Presque tous les arbres d’Amérique du Nord, sont inventoriés par le fils dans son ouvrage « Histoire des arbres forestiers de l’Amérique septentrionale », j’y ai trouvé Aesculus flava (mon Pavier jaune du parc Montsouris) sous le nom de Pavia lutea, dont la synonymie n’est pas très claire.

En effet, Michaux dans le texte traite aussi d’Aesculus glabra, disant que les deux espèces surnommées toutes deux « Buckeye » sont bien des espèces différentes qui peuvent prêter à confusion. Il décide de nommer Aesculus glabra plus précisément ‘Ohio buckeye’ et aussi ‘American horse chesnut’ pour bien le différencier à la fois du Marronnier d’inde (Aesculus hippocastanum) auquel il ressemble assez et du Pavier jaune (Aesculus flava). Je ne connais pas de visu cet Aesculus glabra et il n’est pas illustré dans le livre de Michaux mais je l’ai trouvé dans « Plantes rares du Jardin de Genève » (1825-1827), d’Augustin Pyramus de Candolle avec une allure assez conforme aux photos qu’on peut en trouver maintenant.

Aesculus rubicunda est un synonyme d'Aesculus glabra Willd. (http://www.theplantlist.org/)

 

Voici des illustrations de deux des espèces américaines dans un ouvrage inachevé un peu plus tardif : « Plates prepared between the years 1849 and 1859, to accompany a report on the forest trees of North America » par Asa Gray, 1810-1888

Asa Gray fut un professeur d’Harvard, botaniste américain spécialiste des plantes nord-américaines, connu également pour sa correspondance avec Charles Darwin et son enthousiasme pour les thèses de ce dernier sur l’Origine des espèces.

Isaac Sprague (1811-1895), après avoir assisté John James Audubon qui a même baptisé un passereau en son honneur : le pipit de Sprague (Anthus spragueii), a illustré de nombreuses publications de botanique d’Asa Gray.

Les deux planches dessinées par Isaac Sprague: Aesculus parviflora et Aesculus pavia
Les deux planches dessinées par Isaac Sprague: Aesculus parviflora et Aesculus pavia

Les deux planches dessinées par Isaac Sprague: Aesculus parviflora et Aesculus pavia

Aesculus discolor est un synonyme d'Aesculus pavia L. (http://www.theplantlist.org/)

Ce rapport sur les arbres forestiers d'Amérique du Nord n’a jamais connu de parution intégrale, ces planches font partie du fragment de l'œuvre projetée par le Dr Gray, les planches portent les numéros destinés à l'œuvre originale. Il devait figurer aussi des dessins détaillés de coupes au microscope, l’ampleur du projet le fait d’abord se répartir sur plusieurs années puis finalement abandonner du fait du coût bien supérieur aux prévisions initiales. Les planches sont léguées à la Smithsonian Institution au décès d’Asa Gray et paraîtront ainsi sans aucun support de texte. Il aurait été bien dommage qu’elles restent dans des cartons car je trouve que ces planches de Sprague sont joliment composées, simples et claires à la fois.

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R
Bonjour Claire. Je trouve ton excellent article alors que je rédige un résumé des observations d'André Michaux du Pavia lutea qui est bien le Aesculus flavia d'aujourd'hui aussi appelé yellow buckeye. Je te signale la remarquable traduction commentée en anglais de son journal de voyage aux États-Unis et de sa correspondance, publié il y a juste un an sous le titre André Michaux in North America, avec d'excellents index et de très belles photos. Tu peux en lire des extraits sur Google books.
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C
Merci Régis, je suis surtout très contente que tu sois tombé sur cet article dont je craignais un peu qu'il sombre dans les oubliettes de Google! ça prouve qu'on peut toujours le consulter en faisant une recherche sur le sujet, c'est encourageant pour continuer mes petites enquêtes botaniques!
E
On en apprend tous les jours! C'est cela qui est passionnant avec ton blog! Je n'imaginais pas qu'il y ait tant d'espèces de marronniers. Merci Claire.
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C
Il me manque des photos pour l'Aesculus glabra; ça m'étonnerais que celui de Genève soit encore debout... mais qui sait? J'y suis allée pourtant mais je n'ai pas bien fait attention à ça, c'est dommage!