Chez les carlines les feuilles sont très épineuses mais la tige elle-même n’est pas hérissée de piquants. Sur le capitule, les nombreux fleurons (ou fleurs tubulées) du centre sont entourés d’une couronne de fausses ligules qui sont en fait les bractées internes de l’involucre qui se retournent élégamment.
Ces fausses ligules bien visibles (sauf chez une espèce rare du genre : C. gummifera) ont d’ailleurs une texture plus coriace et nacrée, bien différente de la fragilité d’une ligule (‘pétale’ de la marguerite par exemple) qui ne trompe pas. C’est ce qui les différencie principalement des autres genres dans la famille des Astéracées et plus précisément dans la tribu des Cardueae qui regroupe tous les chardons et cirses de notre flore.
Les bractées externes de l’involucre portent en revanche des divisions latérales sur toute leur longueur (pennatipartites à pennatiséquées) et tous ces petits segments sont épineux, on distingue ces bractées externes des feuilles hautes de la tige car leur courbure emboite la forme du capitule.
La couleur de ces fausses ligules est plus variable qu’on le penserait : jaune très pâle sur la Carline vulgaire (Carlina vulgaris L.), d’un jaune plus franc chez la Carline à feuilles d’acanthe (Carlina acanthifolia All.), d’un superbe blanc nacré sur la Carline acaule (Carlina acaulis subsp. caulescens (Lam.) Schübl. & G.Martens), elles sont roses sur la Carline laineuse (Carlina lanata L.).
Carlina vulgaris est très commune, ici, sur les anciennes ardoisières de Trélazé près d'Angers
La Carline à feuilles d’acanthe, Cardabelle, Chardousse ou encore Baromètre, (mais ce dernier nom vernaculaire s’applique presque autant aux autres carlines) se rencontre fréquemment sur les Causses. Une fois bien secs, les grands capitules (10 à 15 cm de diamètre) blonds et très légers sont emportés par le vent. Le revers de ses feuilles est assez glauque presque blanchâtre.
Carlina acanthifolia, sur les Causses
Cette Carline acaule ci-dessous, a été prise en photo sur le Mont Ventoux. Le nom commun de Baromètre pour les carlines vient du fait que les capitules s’étalent ou se referment selon l’humidité ambiante. On peut consommer le cœur de ce capitule en bouton, comme l’artichaut, mais je m’en voudrais de faire une telle cueillette !
La Carline laineuse que j’ai eu le plaisir de trouver sur la plaine steppique de Crau ne pousse que sur des terrains arides et pierreux. Son capitule est de taille plus modeste comme celui de la Carline vulgaire mais il est plus rare !
Carlina lanata, sur la plaine de Crau
Voici maintenant une belle carline espagnole dont les fausses ligules ont une teinte caramel autour d’une boule fournie de fleurons jaune d’or, photographiée en Galice. C’est très probablement une Carlina corymbosa mais en Espagne il existe trois sous-espèces, et celle-ci semble un peu différente de la sous-espèce française (subsp. corymbosa), de toute façon très méditerranéenne.
Carlina corymbosa, en Galice
Deux illustrations pour C.corymbosa et C.lanata se trouvent dans le volume 9 de 1837 de la « Flora Graeca », par John Sibthorp, James Edward Smith, John Hawkins et John Lindley; ouvrage illustré et gravé par Ferdinand Bauer, James Sowerby, James de Carle Sowerby, et John White.
Pour la belle Carline acaule, j’ai trouvé une eau-forte dans le « Recueil des plantes gravées par ordre du roi Louis XIV », de Dodart (1788). Nicolas Robert, y représente Carlina acaulos magno flore, ce qui correspond de nos jours à la Carline acaule.
A mon avis la gravure de Nicolas Robert évoque plus la Carline à feuilles d’acanthe qui elle, est vraiment acaule, car ce n’est pas le cas du moins en France pour la Carlina acaulis L. subsp. caulescens (Lam.) Schübl. & G.Martens ; la sous espèce acaulis n’étant pas présente en France. Dans la légende, les fleurs sont d’ailleurs décrites comme jaune pâle et d’autre part, les feuilles présentent des limbes élargis qui ne correspondent guère à une description actuelle de la Carline acaule.
Sur cette autre représentation de Carlina acaulos magno flore qui se trouve dans « Thesaurus rei herbariae », de Georg Wolfgang Knorr (1750-1772), en revanche, on a bien une vraie tige (même un peu longue !), et des feuilles très épineuses et pennatiséquées comme il se doit pour cette espèce.
On trouve au sujet de la Carline acaule quelques notes anciennes de Cazin, (Traité des plantes médicinales, 1868) sur :
https://uses.plantnet-project.org/fr/Carline_(Cazin_1868)
Il nous y apprend entre autres détails, que « Les chèvres la recherchent, les vaches et les autres bestiaux la négligent ».